Moeata

On ne se demande pas assez d’où on vient. On associe souvent la ville dans laquelle on a grandi à notre chez soi, ou bien celle où on a été le plus heureux. Mais il n’est pas si simple de résumer ses origines en quelques mots. J’ai donc laissé la parole à certains membres de ma famille, afin de faire l’exercice difficile du retour en arrière. Retracer ses origines, replonger dans le passé, voilà le thème de cette saga « Les origines ».

Tahiti est la plus grande île de la Polynésie Française, territoire d’outre-mer, comprenant 118  îles dans le Pacifique Sud, couvrant une superficie émergée de 4200 km2  dispersée sur 2 500 000 km2, soit la surface de l’Europe.
La Polynésie est composée des archipels de la Société, des Tuamotu, des Marquises, des Gambiers et des Australes.

Moeata à gauche avec Olivia, sa tante chinoise, et sa cousine Nathalie

« Mes souvenirs les plus lointains remontent au bord de cette mer si bleue…irrésistiblement, mes pensées y retournent avec une avide tendresse…mais ce n’est pas juste une mer…c’est aussi un océan de couleurs et de rêves : l’Océan Pacifique.

Car, comme mon prénom l’indique, (Moeata signifie « Rêves dans les nuages »), je suis originaire de cette petite île française du bout du monde, perdue au milieu de cet immense océan : TAHITI.

Les 6 lettres de ce nom font en général rêver, à part quelques exceptions que la distance freine avant même d’avoir émis la possibilité de s’y rendre : 18000 km, 24 heures d’avion, « mais comment fais-tu ? » « Et tu passes par où, le vol est-il direct ? »

Sans oublier bien évidemment la remarque la plus courante et qui m’agace depuis toujours « mais tu es blonde .. je pensais que les tahitiennes étaient toutes brunes aux cheveux longs et mattes de peau ? »

Et non, toutes les tahitiennes ne ressemblent pas à Tarita, dont s’est épris Fletcher Christian, joué par Marlon Brando dans les Révoltes du Bounty.

Les origines de mon peuple sont asiatiques et amérindiennes.
Au début du siècle dernier, de nombreux chinois, européens et anglo-saxons ont émigré en Polynésie. Parmi eux, mon arrière-grand-père lituanien Rodolphe Faïn et les parents de mon arrière-grand-mère allemande Marguerite Neuffer.

Né en 1888 à Moscou de parents lituaniens, mon arrière-grand-père arrive à Tahiti en 1912 pour y faire du commerce. Il y achète des terres pour y faire pousser des vanilliers. Déjà avant-gardiste l’arrière-grand-père Rodolphe…il ne savait pas à l’époque que la vanille deviendrait l’or noir des pâtissiers. Puis, il achète une goélette, Le Lutèce, afin de transporter du coprah (pulpe de noix de coco séchée permettant de fabriquer du savon de Marseille) qu’il exporte en France.
La vie est étrange, quelques 100 ans plus tard, son arrière-petite-fille Moeata allait vivre à Marseille, et ses arrières arrière-petits-enfants y verront le jour.

Rodolphe rencontre plus tard mon arrière-grand-mère (que j’ai toujours appelée Mama Gaby) née de père métropolitain (« popaa » comme on dit là-bas) et de mère pure tahitienne (Mama Ue).

Rodolphe

Naîtra ma grand-mère adorée Ghislaine qui elle, épousera mon grand-père Albert, dont la maman était allemande (la fameuse Marguerite Neuffer née en 1885 à Eschenbach, en Bade-Wurtenberg) et le père « popaa ». Marguerite est arrivée à Tahiti à l’âge de 2 ans, puis est partie vivre à Raiatea, dans les îles sous le Vent.

De cette union, naitront 5 enfants dont ma mère qui épousera mon père, officier de marine 100% picard (là on s’éloigne vraiment de l’exotisme) rencontré en 1960 à bord du Calédonien, un bateau reliant Marseille (encore cette ville) à Sydney en passant par Tahiti.

Les parents de Moeata
Claude, la maman de Moeata

Les racines sont déjà là, profondément ancrées.

Voilà donc les explications de ma blondeur, et je ne vous parle pas des mixtes, des « demis » comme on les appelle là-bas, mes oncles ayant épousé des chinoises et des tahitiennes, donc aux déjeuners du dimanche chez grand-mère, vous pouviez croiser des chinois aux yeux verts, des tahitiens aux yeux bleus et des petites blondes aux yeux bleus (ma sœur et moi).

Avec le temps qui passe, je me rends compte que je suis un peu de tout cela. Et j’en suis fière. Une rencontre entre l’Europe et la Polynésie.

La grand-mère de Moeata, Ghislaine et ses petits-enfants

De ma vie d’adolescente, je me souviens des grandes tablées du dimanche. Nous avions une vie très familiale. Nous habitions tous sur la même propriété à Pirae, mes oncles, mes parents et mes grands-parents. Les maisons étaient toujours ouvertes et nous passions de l’une à l’autre naturellement avec un gros point d’ancrage qui était la maison du bord de mer de mes grands-parents. Il y avait toujours une grande casserole préparée chaque jour par ma grand-mère au cas où un enfant passerait par-là. On dégustait le traditionnel « maa Tahiti », le poisson cru que mon grand-père allait acheter à 5h du matin au marché de Papeete et que ma grand-mère préparait.

Ma grand-mère avait 42 ans lorsque je suis née et elle s’est occupée de moi jusqu’à mon entrée à l’école. J’étais très proche d’elle et le départ en pension à Paris décidé par mes  parents en 1979 a été pour moi un véritable déchirement. Une rupture totale avec mon ancrage.

À l’époque, mes parents ont pensé qu’une éducation plus encadrée (donc plus sévère) que celle reçue à Tahiti serait meilleure. Dans un sens ils n’avaient pas tort mais dans un autre, ils n’ont pas imaginé une seconde la difficulté qu’une jeune fille de 15 ans allait vivre seule à Paris, en pension et à 18000 km de sa famille. A l’époque, il n’y avait pas WhatsApp ni autant d’avions. On s’écrivait, on ne se téléphonait pas, et je garde de cette période un souvenir amer.

J’ai longtemps essayé de me fondre dans le moule et de m’adapter…je pense y être parvenue, mais avec les années, j’ai le besoin profond de reconnecter avec mes racines. Je n’étais pas anglaise à Londres et je ne me sens pas du tout marseillaise à Marseille, je suis différente, je me sens différente, et au fond, je n’ai plus envie de m’adapter.
En cela, mes îles me manquent beaucoup, beaucoup. »

Mama Ue, Mama Gaby, Ghislaine, Claude, Moeata en 1965

3 réflexions sur “Moeata

  1. C’est très émouvant ! Moi, la petite soeur, ressent exactement la même chose.Avec le bonheur de vivre à Pirae, au milieu de ce grand jardin.
    Merci pour ce moment nostalgique.
    Bisous
    Aimata

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  2. Ma chère petite Charlotte Apres nous avoir charmé par tes recits géographiques de tes derniers Chavoyge, tu reprends l’histoire familiale en faisant parler ta Maman. Pour ma part, j’ai eu grand plaisir a lire ce petit résumé des origines de Moeata. Pourquoi ne pas aussi le faire pour ton Papa ? Profites que ta grand-mère paternelle et tes grands parents maternels soient toujours vivants pour ausculter les généalogies de tes ancêtres. Jet’embrasse très fort Grand père

    >

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